Comment voyager sereinement avec un tout-petit (0 à 3 ans) ?


Bonjour, vous partez bientôt ? Et vous vous posez beaucoup de questions ?

Après de nombreux voyages avec mes enfants, et un tour du monde en famille pendant un an, j'ai rassemblé dans le livre "Voyager avec bébé" les réponses et les conseils utiles pour que chaque parent puisse rapidement mieux voyager avec ses bambins.

Ce blog est mon atelier d'écriture. Si vous n'êtes pas trop pressé, je vous invite aussi à le visiter et y participer. J'y ai pris des notes pour la préparation de certains chapitres du livre. Vous y trouverez en outre des articles sur des sujets connexes à ceux traités dans le livre, quelques récits de mes voyages, ainsi que ceux d'autres parents ou contributeurs invités.

25 mars 2019

Notre "après" tour du monde : changement de vie - et quelques pensées sur le bonheur en voyage ou à la maison


Après notre tour du monde en famille, nous avons posé nos bagages en Drôme Provençale, à proximité d'un petit village. Une nouvelle vie a commencé pour nous qui habitions auparavant en région parisienne. Je livre ici quelques impressions et réflexions pêle-mêle sur : le retour à l'école, notre adaptation à notre nouvelle région, les beautés hivernales, et pour finir sur l'importance d'un regard bienveillant en voyage comme au quotidien.


Reprendre le chemin de l'école

Les enfants ont repris le chemin de l'école en septembre. Notre plus grand est entré en CP, et notre benjamine en petite section de maternelle. Nous nous demandions si leur adaptation serait facile, aussi bien au niveau social que des apprentissages. Leur intégration s'est très bien passée dans cette petite école rurale. Ils sont ravis d'aller à l'école et d'y retrouver leurs maîtresses et leurs nouveaux copains et copines.

Les charmes de notre nouvelle région et d'un quotidien plus sédentaire 

J'aime beaucoup notre nouvelle région d'adoption. Nous y sommes très heureux avec les enfants. La nature est partout autour de nous, à portée de main, des yeux et du coeur.

J'apprécie finalement tout autant ces deux formes de beauté en apparence opposées : découvrir de nouveaux lieux en voyage, et contempler ceux dans lesquels nous habitons. Aller à la rencontre des merveilles de ce monde ; et admirer son environnement plus proche, le charme de ses détails, et de ses métamorphoses avec le temps.

J'en conclus que j'aspire donc en fait davantage à une vie semi-nomade ou semi-sédentaire ; plutôt qu'à une vie qui soit totalement l'une ou l'autre.

On entend parfois fustiger le voyageur éperdu, tout autant que l'homme trop attaché à son village. Même certains grands philosophes ont pris parfois parti pour l'un ou l'autre.

Pendant notre année de voyage, nous avons pu admirer nombre de paysages sublimes. J'y repense souvent. Les souvenirs m'émeuvent toujours et me transportent quelques fois. Mais j'apprécie beaucoup aussi, à vrai dire, les charmes bucoliques de notre nouvelle vie en Drôme Provençale.

Éloge du paysage que nous habitons aujourd'hui

Je découvre ici une autre forme de contemplation : celle d'un paysage qui se métamorphose au quotidien sous mes yeux ébahis : selon les lumières du jour, les nuages, les saisons. Il y a peu, cet hiver, la neige recouvrait les cimes environnantes et descendait même parfois jusqu'à nous. Puis très vite, les fleurs et le printemps sont revenus.

Les lumières provençales jouent d'une infinité de façons avec des nappes nuageuses, étiolées et dispersées par les vents. Elles chatoient dans les plaines agricoles, les collines boisées et les montagnes escarpées. L'ombre, en cédant à la lumière, rehausse la beauté de ce qui est illuminé. Un peu comme dans nos vies tourmentées, parfois, entre bonheur et malheur.

Ces jeux de lumières pourraient aussi évoquer un canon de beauté féminine méditerranéenne. Quand je me promène, je vois souvent les rayons du soleil éclairer tour à tour un clocher de village, un pan de colline, une forêt et puis l'autre. De la même manière qu'une jolie femme pourrait attirer le regard, selon sa fantaisie du moment, à l'aide de quelques rubans, babioles ou bijoux provençales ; vers le creux de son cou ou de sa cheville délicate, à moins que ce ne soit vers les courbes de ses hanches ou de ses seins.

Il y a donc quelque chose de séduisant et même d'amusant dans ces paysages du sud de la France. On ne s'y ennuie pas.

De surcroît, l'éclat des lumières provençales si souvent célébrées par les peintres et les poètes, sont ici exaltées en Drome Provençale, par la proximité du climat plus rude des montagnes, et par la présence ombrageuse d'une tempête ou d'une météo moins clémente que l'on devine parfois en direction du nord ou des Alpes. La somptuosité des bleus du ciel méditerranéen bataille davantage avec d'autres couleurs aux tonalités plus dramatiques.

Et souvent le ciel s'embrase de mille couleurs peu avant le coucher du soleil : lumino et chromo thérapies naturelles garanties ! 

Je jubile intérieurement parfois à habiter pleinement ce paysage. À le dérouler lentement au rythme de mes pas ou de ma bicyclette. Seul ou en famille (la petite derrière moi sur le vélo, et le plus grand désormais autonome).

Et quelle joie de pouvoir saluer encore régulièrement des animaux sauvages : lièvres, chevreuils, écureuils, oiseaux... Mais j'ignore tellement de choses sur eux et j'aimerais pouvoir les observer encore davantage.

La Drôme provençale me semble bien mérité son nom, notamment pour la qualité de ses lumières. Et en même temps, elle a une identité propre. C'est une terre de contrastes à la frontière des Alpes, de la Provence, et du plateau Ardéchois de l'autre côté du Rhône. Une terre inspirante et que j'apprends de jour en jour à aimer davantage. Spectacle inlassable et sans cesse renouvelé.

Une autre caractéristique de ce terroir, et non des moindres, est de mélanger les époques. On goûte au charme de ses vieux villages souvent perchés à flanc de colline. La nature y reste omniprésente. Et en même temps, les empreintes de notre modernité sont aussi bien visibles : éoliennes, routes, voies ferrées, hangars agricoles souvent affublés de panneaux solaires, stations de recharge électrique dans chaque village, etc.

Pourtant je ne dirais pas que cette modernité est incommodante ou outrageante. On perçoit le dynamisme de la région, mais encore aussi son sens de l'harmonie. L'agriculture biologique s'y développe fortement. Une "bio vallée" prospère y a pris son envol. Même quelqu'un de foncièrement pessimiste pourrait, je crois, se surprendre à espérer un peu plus en l'avenir, en s'immergeant dans cet environnement. À l'image de ce col de montagne qui semble nous gratifier d'un large sourire à l'horizon.

L'harmonie de l'eau et du soleil me plaît aussi beaucoup. J'aime la chaleur de l'été, la douceur des saisons intermédiaires et la clarté des ciels d'hiver. Mais j'apprécie également que la nature soit encore verdoyante, parcourue de jolies rivières et cours d'eau qui s'écoulent depuis les montagnes environnantes.

Au café du village, on me prédit qu'avec le printemps, un autre ballet de couleurs va ravir nos rétines : genêt, coquelicot, blé, lavande, et toutes sortes de fleurs se disputeront bientôt, tour à tour, l'honneur d'embellir encore un peu plus cette toile vivante, aux détails infinis, que la nature et les hommes ont su si bien tisser ensemble.

Et pour couronner le tout, les gens sont aimables et souriants. On prend le temps de se saluer et d'échanger quelques mots. On ressent ici un peu moins cet empressement des grandes villes, si souvent décrié et déploré à notre époque — comme à d'autres d'ailleurs.

Il existe peut-être des micro-climats sociaux, qui varient selon les villages ou même les quartiers au sein des villes ; comme il existe de nombreux micro-climats météorologiques. Mais leur perception est sans doute difficile à objectiver. J'ignore d'ailleurs si certains sociologues s'emploient vraiment à les repérer. Je me plais cependant à croire que nous avons atterri, par chance, dans un village où il fait bon vivre.

Je me souviens enfant, avoir lu "La Gloire de mon père" et "Le Château de ma mère" de Marcel Pagnol. À l'époque, je tenais un petit carnet où je notais les nouveaux mots que je découvrais ; comme autant de petits trésors. Et j'avais inscrit le mot "idyllique".

Alors, je m'abandonne parfois, pour quelques instants, à ce sentiment d'idylle. Je goûte ses bienfaits, tout en sachant son caractère éphémère. De toute façon, je reviendrai bien assez tôt, comme tout un chacun, à nos tribulations modernes.

Un peu de nostalgie du voyage quand même ?

Je ferme les yeux, et le mont Cook de Nouvelle Zélande, ou le Fitz Roy de Patagonie se dressent à nouveau devant moi. Cependant l'exploration des Alpes toutes proches me ravit à vrai dire tout autant, et les glaciers du massif des Ecrins par exemple, ainsi que d'autres monuments naturels de la région, me laissent encore aussi fasciné que j'ai pu l'être devant leurs comparses de l'hémisphère sud.

En fait, je n'éprouve pas de mélancolie à repenser à notre voyage. Tout au plus, mes souvenirs se mêlent parfois, en imagination, à l'observation des environs.

Mais l'effet produit est plutôt doux et agréable. Déjà parler d'une nostalgie du voyage peut paraître étrange ! Puisque le mot est sensé décrire en premier lieu "le mal du pays". Mais que pourrait donc signifier une nostalgie douce et heureuse ? Plutôt  que de détourner autant le sens d'un mot, mieux vaudrait sans doute en trouver un autre plus adapté, mais lequel ?

Joies d'un jardin en hiver

Il suffit d'ouvrir la porte et les enfants sont dehors dans le jardin. Et maintenant qu'ils sont tous les deux bien dégourdis, c'est particulièrement appréciable.

Avec ma fille qui vient d'avoir ses 3 ans, un peu avant Noël, nous avons ramassé des olives. Sans doute, la symbolique de cet arbre m'a influencé. Mais quand même, quel moment de grâce de partager cet instant ! Quel sentiment apaisant !

À la même époque, avec mon fils nous nous sommes aussi délectés d'un arbre à kakis. Quel plaisir simple de cueillir les fruits dont on a besoin au jour le jour !

Une autre fois, coup de chance : neige un mercredi matin, quand les enfants n'ont pas école. Ils s'en sont donnés à coeur joie.   

Beautés hivernales dans les Alpes toutes proches

L'année passée en tour du monde, l'été nous a pris sous son aile, et c'était très agréable. Mais, cette année, nous retrouvons aussi avec beaucoup de bonheur, les charmes de l'hiver en montagne.

Un des premiers week-end de janvier, nous sommes allés marcher avec des amis autour du petit lac de la Thuile (massif des Beauges), près de Chamberry. La veille nous avions trouvé un champ, en pente douce, parfaite pour glisser en luge avec les enfants.

Le week-end suivant, nous sommes allés dans le massif du Vercors. Et nous avons été témoin, d'un phénomène sans doute banal pour les gens de la région, mais tout à fait étonnant à nos yeux. Nous montions en voiture, par une petite route de montagne en lacets, adossée à une face sud. Il y avait juste un peu de neige en bord de route, mais pas grand chose. Un nuage s'accrochait au sommet de la montagne et le soleil resplendissait derrière nous. Un magnifique arc en ciel scintillait au-dessus de nos têtes. Les enfants étaient émerveillés. Et nous aussi.
Puis nous traversâmes un petit tunnel (quelques centaines de mètres tout au plus), et là : changement de décor brutal ! De l'autre côté, il y avait un mètre de neige,  nous étions passé côté nord et nous étions dans le nuage. Il neigeait légèrement. Incroyable ! On aurait dit, Alice aux pays des merveilles. On traverse un petit tunnel et hop le monde change tout à coup, comme par enchantement ! Il ne restait plus qu'à sortir les luges et à faire des bonhommes de neige.

L'importance d'un regard bienveillant 

Je me souviens d'un trajet sur l'île de Chiloé au Chili. Nous descendions au sud de l'île, dans un mini-bus local, pour visiter un parc national, où la végétation est très dense.

Je voyageais avec mon fils ou ma fille (je ne me rappelle plus exactement) qui s'était assoupi sur mes genoux. Un homme d'un certain âge était assis un peu à ma droite, et nous commençâmes à discuter.

Il me dit qu'il avait beaucoup aimé voyager lui aussi avec sa fille. Il était d'origine espagnole et photographe de profession. La maman était partie très tôt. Il avait du élever seul sa fille, et elle l'accompagnait souvent durant ses voyages. Il avait passé une partie de sa vie à photographier les peuples autochtones de la planète. Aujourd'hui, il continuait à voyager souvent seul, à travers le monde. Il était devenu bouddhiste depuis longtemps. Il n'était pas bavard, mais notre conversation était très plaisante. Il émanait de lui beaucoup de bonté et d'intelligence. 

Nous ne parlions pas en français, mais il m'a dit quelque chose qui ressemblait à ceci : "Notre regard sur le monde a beaucoup d'importance. Et quand nous voyageons avec nos enfants, ils nous aident à voir le monde avec plus de vérité et de bienveillance". 

Je ne connais pas son nom, et je regrette de ne pas avoir eu la présence d'esprit de lui demander d'échanger nos coordonnées avant que nos chemins ne se séparent. Mais je garde un beau souvenir de notre rencontre. 

C'est à lui que j'aimerais dédier ce texte, même s'il y a peu de chance qu'il le lise un jour, puisqu'il ne parle pas français. On ne sait jamais avec internet...

Plus j'y réfléchis, plus je crois en effet à l'importance de la bienveillance du regard que nous portons sur le monde, sur nous-même et sur les autres.

Certains y voient une sorte de prolongation d'un "état de voyage". D'autres au contraire, un état qu'on ne peut trouver que sereinement installé chez soi. Les philosophes sont d'ailleurs assez divisés sur cette question.

Pour ma part, je me réjouis qu'il soit possible d'expérimenter cet état d'âme de contemplation bienveillante, aussi bien en voyage qu'en mode sédentaire. 

Je ne cherche pas à me maintenir dans cet état d'âme. Mais j'aime quand il survient, et qu'il me surprend parfois à l'improviste. D'ailleurs, cela peut arriver aussi dans des endroits inattendus, qui ne semblent pas particulièrement propices à l'éveil des consciences. Il suffit parfois d'un regard, d'un geste ou d'un détail.

Voilà en un mot peut-être pour finir cette digression : à mon sens, la bienveillance illumine de temps en temps notre réalité, en voyage comme "à la maison".

Alors, bons voyages en famille, et plein de bonheur aussi chez vous !